Les pionniers du Net alternatif non marchand veulent investir leurs profits.
A FORCE DE PARLER des déboires des dotcoms, on oublie souvent les succès commerciaux des "dotnets", les start-up techniques qui, en coulisse, contribuent au bon fonctionnement de l’Internet et améliorent constamment ses performances.
Ainsi, la société française Gandi (Le Monde du 14 juin 2000), l’un des nombreux "registrars" habilités à vendre des noms de domaine en.com, .net, .org et .info, va dégager en 2001 près d’un million d’euros de bénéfices, alors qu’elle emploie seulement huit personnes - les quatre associés, qui y travaillent à temps partiel, et quatre salariés.
Ce résultat est une surprise pour Valentin Lacambre, pionnier de l’Internet alternatif non marchand, et fondateur de Gandi, ainsi que de l’hébergeur Altern et de l’opérateur télécom Gitoyen : "C’est bizarre ce qui arrive, je n’avais pas prévu de faire de la thune avec ça, ce n’était pas le but, je crois que nous sommes les moins chers du monde." Cela dit, cet argent est le bienvenu : "Avec mon associé Laurent Chemla, on s’est dit : soit on se barre à la campagne avec le fric, soit on considère que c’est un trésor de guerre, à utiliser pour faire des trucs chouettes." Après réflexion, les deux amis décident que, en cette fin 2001, le truc le plus chouette serait de créer un nouveau magazine, non pas sur le Net, mais un magazine-papier vendu en kiosque : "Nous allons financer un vrai journal d’opinion, qui soit vraiment de gauche.
Elle est où, aujourd’hui, la presse non guerrière ? Nulle part. Qui s’est vraiment battu contre la loi ultrarépressive sur la sécurité quotidienne ? Qui se bat aujourd’hui contre les clauses liberticides contenues dans le projet de loi sur la société de l’information ? Personne. Ce sera notre rôle."
Cela dit, MM. Lacambre et Chemla savent que, comme l’Internet, la presse est un métier qui ne s’apprend pas en un jour : "Pas question pour nous d’avoir de responsabilités éditoriales, nous laisserons ça au secteur associatif, qui a beaucoup de choses à dire. Nous sommes en contact avec une vingtaine de personnes venues des réseaux alternatifs, des fanzines Internet et même de la presse classique." Bien sûr, le futur magazine, probablement un bimensuel, ne fonctionnera pas comme une entreprise de presse ordinaire : "Ce sera un journal en participation, on ne créera pas de SARL. Les journalistes ne seront pas salariés, ils toucheront un pourcentage sur les ventes." Titre de travail provisoire : ./, lire point-barre.